Equations du troisième degré
Cet article présente la méthode de la racine évidente ainsi que la formule de Cardan pour résoudre les équations du troisième degré.
Le début de l'article peut être lu en Première S ; le reste du document concerne davantage la Terminale S.
1. Recherche de racines évidentes.
Dans cette section, on traite trois exemples d’équations du troisième degré sans utiliser de formule spéciale pour en trouver les solutions.
C’est en remarquant que, si le nombre est solution de ,
alors on en déduit .
Si les coefficients et sont des nombres entiers, cela signifie que est un diviseur du terme constant .
Donc si une équation polynomiale à coefficients entiers possède des solutions en nombres entiers, celles-ci sont à chercher parmi les diviseurs du terme constant du polynôme.
Exemple 1.
Soit l’équation , dont on cherche toutes les solutions réelles.
On pose .
Le problème consiste à trouver toutes les racines, s’il en existe, du polynôme , qui est du troisième degré.
La première des choses à faire est de procéder à des essais numériques : c’est la recherche de racines évidentes. Les racines en nombres entiers d’une équation unitaire sont à chercher parmi les diviseurs du terme constant, ici .
Il est donc inutile de tester des valeurs comme ou , puisque les seules possibilités en nombres entiers sont , , et .
On constate en substituant, que l’on a seulement .
Les nombres , et sont donc des racines de c’est-à-dire des solutions de l’équation .
Le théorème de factorisation des polynômes (un nombre est racine d’un polynôme lorsqu’un autre polynôme permet d’écrire ) montre que l’on a :
.
Donc la liste de toutes les solutions de l’équation est .
Exemple 2.
Soit l’équation ,
dont on cherche toutes les solutions.
Pour cela, on pose .
Les racines évidentes, s’il en existe, sont à chercher parmi les diviseurs de , c’est-à-dire , et .
On constate que seulement , donc peut être factorisé par .
Il s’agit donc de trouver des nombres et tels que .
En développant ce produit, on obtient .
Alors, puisque l’on doit avoir l’identité , on est conduit à poser et , soit et .
Il reste à vérifier que cette identification des coefficients est valable : en développant, on constate que
.
Pour trouver les autres solutions, s’il y en a, il suffit de résoudre l’équation .
On a , d’où les racines de ; ce sont et .
La liste de toutes les solutions de l’équations est donc :
{},
et on a la factorisation
Exemple 3.
Soit l’équation , dont on cherche toutes les solutions.
On pose .
Une racine évidente de est à chercher parmi les nombres , , et .
On constate que seulement . Donc le polynôme est factorisable par et on doit trouver et tels que .
En développant et en identifiant les coefficients, on obtient et .
On vérifie que l’on a bien l’identité .
Or, pour résoudre , on obtient un discriminant négatif .
Ceci montre que le polynôme ne possède pas de racine et donc le polynôme ne peut pas avoir d’autre racine que la valeur .
En conclusion, l’équation possède une unique solution égale à et on a la factorisation
2. Formule de Cardan.
Au XVIe siècle, des algébristes italiens ont découvert une méthode pour calculer une racine d’un polynôme de degré 3 donné sous la forme réduite , où et sont des paramètres quelconques.
La propriété (triviale) suivante est un lemme nécessaire à cette résolution.
Propriété 1.
Pour tous nombres u et v, on a .
La preuve résulte du développement remarquable bien connu que l’on réarrange sous la forme attendue.
L’observation de la relation , semblable à la forme réduite montre qu’il est pertinent de faire le changement de variable .
Alors l’identification des coefficients dans conduit à poser et ,
c’est-à-dire et .
Pour une question d’homogénéité, on écrit plutôt et .
Pour y voir plus clair, posons et .
Alors les conditions s’écrivent et .
Autrement dit, il s’agit de trouver deux nombres et connaissant leur somme et leur produit .
On sait que ceci n’est possible (on rappelle que et sont solutions, si elles existent, de l’équation , dont le
discriminant est ) que sous la condition , c’est-à-dire, ici , ce qui s’écrit finalement
.
Dans ce cas, les nombres et sont les solutions de l’équation .
Les solutions de cette équation sont données par
donc on a par exemple
et .
Puisque et , et puisque , on en déduit que le nombre donné par
donne une solution de l’équation .
Cette expression est la formule de Cardan.
Ce nom lui est resté attaché bien que Cardan n’en soit pas le découvreur (Pour autant que je sache, c’est d’abord Scipio del Ferro qui l’a trouvée dans des cas particuliers, puis Niccolo Tartaglia l’a re-découverte. Cardan a eu le mérite de la faire connaître, à une époque où les découvertes scientifiques restaient généralement secrètes).
Elle donne en fonction des coefficients une solution particulière sous une forme bien peu maniable, mais on peut malgré tout énoncer
Théorème 1.
Soit une équation cubique sous la forme réduite
.
Si l’on a , alors une solution particulière est donnée par
Cette formule permet de calculer une solution de l’équation, dans le cas où il n’y a pas de racine évidente.
Par exemple, aucun des diviseurs , du terme constant de l’équation n’en étant solution, on calculed’où la solution particulière
Voici une autre équation, sans racine évidente, que l’on peut « résoudre » à l’aide de cette formule
.
Lorsque l’équation n’est pas donnée sous la forme réduite, on est en présence d’une équation cubique sous forme générale
.
On peut toujours la ramener à une équation sous la forme réduite, en commençant par diviser par , ce qui donne
puis on supprime le terme carré au moyen de la transformation de Tchirnhaus, en posant :
En effet, on a d’une part :
et d'autre part,
ce qui montre que ce changement de variable élimine le terme en .
3. Extension au cas «irréductible ».
On a vu que la formule de Cardan permet de trouver une solution d’une équation sous forme réduite dans le cas où .
Bombelli a étudié l’équation qui possède une racine évidente, égale à , >
puisque l’on a : .
On a ainsi la factorisation :
où le trinôme a deux racines conjuguées données par .
Or, en menant les calculs comme précédemment, avec ,
et en appliquant malgré tout la formule de Cardan, on obtient :
où figurent des racines carrées de nombres négatifs...mais en continuant comme si de rien n’était, on obtient :
ou bien encore :
que l’on peut même (Bien entendu, l’élève de Première ne s’amusera pas à ce genre de chose - il attendra d’être en Terminale pour cela !) aller jusqu’à écrire :
Par un moyen qui lui est propre, Bombelli s’est aperçu que
etce dont on peut constater la justesse en calculant leurs cubes...
Ainsi, Bombelli a pu montrer dans ce cas qu’en passant outre la question des racines carrées de nombres négatifs, la formule de Cardan qui s’écrit
,
donne encore une racine de l’équation du 3e degré.
C’est à la suite de calculs de ce genre que les nombres complexes ont fait leur apparition, en acceptant l’existence de règles de calcul concernant le nombre « imaginaire » .
En application de la formule de Cardan, on peut toujours essayer de résoudre cette équation
sans passer par les racines évidentes.
Ou bien encore celle-ci :
.qui figurait parmi les questions auxquelles Einstein a répondu à l’occasion de l’épreuve d’algèbre de son baccalauréat en 1896.
Par Zauctore
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